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SILENCE DANS LA VALLÉE

Réalisation : Marcel TRILLAT
Production : V.L.R. Production/Jean BIGOT avec la participation de France 2

82 mn, 2007

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Octobre 2006. Détenue depuis 1919 par la famille Dury, Thomé-Génot, la dernière grande forge de Nouzonville (Ardennes), disparaît. Une mauvaise gestion a entraîné un dépôt de bilan, suivi d’une reprise par un fonds d’investissement américain qui a pillé l’entreprise, avant de la mettre en liquidation judiciaire. Marcel Trillat filme tous les acteurs d’un univers anéanti par l’ouragan de la mondialisation.


SILENCE DANS LA VALLÉE (EXTRAIT) par figra

LE CONTEXTE

Les Ateliers Thomé-Génot, qui employaient 317 salariés à Nouzonville dans les Ardennes, ont été liquidés à l’automne 2006. Alors qu’ils étaient les premiers fournisseurs de pôles d’alternateurs pour les géants de l’automobile Valéo et Visteon Ford (ils fabriquaient alors 20% du marché mondial), l’irruption du capitalisme financier via leur rachat par un fonds de pension US (la société américaine de consultants Catalina, qui fait aujourd’hui l’objet d’une enquête pour malversations) a ruiné leur activité et détruit leurs emplois. En deux décennies, toute la fonderie ardennaise a goûté à la mondialisation : d’abord le pillage du savoir-faire et des actifs, puis la mise en concurrence qui nivelle par le bas et, pour finir, c’est la collectivité qui endosse le lourd tribut de ce révoltant gâchis.
Ce sont en fait les Pinçon et Pinçon-Charlot, couple de sociologues bien connus pour leur plongée dans le milieu de la grande-bourgeoisie qui, enquêtant sur les lieux dont Michel est originaire, sont venus proposer à Marcel Trillat l’idée de ce nouveau documentaire. Après avoir été l’un des trop rares journalistes-documentaristes à donner la parole aux ouvriers, et à les montrer au travail, Marcel Trillat passe ici de l’autre côté de la chaîne, tendant son micro aux patrons de l’ancienne vallée sidérurgique.

DESCRIPTIF DU FILM

La Champagne-Ardenne fut une région industrielle florissante.
Il y a trente ans à peine, une quarantaine d’entreprises sous-traitantes fonctionnaient ici à plein régime. Des ouvriers fiers de leur savoir faire et de leur conscience professionnelle transmis de génération en génération depuis des siècles, des ingénieurs dont le talent créatif permettait d’affronter jusqu’ici toutes les crises, des dynasties patronales autoritaires mais attachées à leurs usines et à leurs salariés, tout un univers industrieux anéanti en quelques décennies. Pour tous, le désespoir et la révolte. Pour la plupart, l’humiliation et le chômage, l’angoisse d’un avenir sans issue. À l’échelle d’un bout de France, le gâchis des vies, des intelligences, des solidarités, provoqué par la logique implacable de la course au profit.
Avec Silence dans la vallée Marcel Trillat complète utilement l’état des lieux de la condition ouvrière entrepris dans ses précédents films : 300 jours de colère, Les Prolos, Femmes précaires.
Cette fois-ci, il aborde la question du travail sous un nouvel axe d’analyse : il donne la parole au patronat. Comment les grands industriels considèrent-ils leur travail aujourd’hui, au regard notamment des délocalisations d’usines, liées à la mutation du capitalisme familial et industriel en un capitalisme financier et mondialisé ?
Le résultat est édifiant, consistant bien moins à dénoncer ou alimenter une quelconque vulgate anti-patrons, mais de pénétrer les représentations de celles et ceux qui étaient encore il y a peu “les maîtres des forges”. Un autre regard, par le “petit bout de la lorgnette” selon les mots du réalisateur, sur la mondialisation et ses conséquences sur le tissu social d’une communauté locale.

CE QU’EN DIT... Marcel TRILLAT :

Effectivement, à travers l’histoire de Nouzonville, se lit l’évolution récente du patronat industriel. Il y a eu les patrons à l’ancienne. Des dynasties parfois très autoritaires. Les conflits étaient souvent violents mais on pouvait discuter. Surtout, ces patrons étaient attachés à leurs usines, avaient un relatif respect pour leurs ouvriers et tentaient à leur manière, paternaliste, de faire du “social”. Cette classe, représentée dans le film par les Dury, anciens propriétaires de Thomé-Génot, a souvent été prise de cours par la financiarisation du capitalisme. C’est ce qu’explique très bien le représentant local du Medef, qu’on ne peut pas taxer de gauchisme. Le monde industriel est désormais entre les mains de financiers qui ont les yeux braqués sur la Bourse, spéculent sur les produits de base, imposent des délocalisations et sèment la panique dans un milieu qui est encore très attaché à la notion de métier. Parmi eux, on trouve ces patrons voyous qui débarquent pour reprendre des usines en difficulté, qu’ils obtiennent pour trois fois rien, pillent ce qu’ils peuvent et vident les lieux. Il y a enfin un nouveau patronat “moderne” qui accepte la mondialisation comme un fait inéluctable, une loi du marché et qui prétend suivre le sens de l’histoire. C’est le discours que nous a tenu le repreneur de Thomé-Génot, avec beaucoup de franchise, il faut lui en savoir gré.
Cette situation laisse au fond tout le monde - patrons, ouvriers, élus locaux - assez désemparé.
On le voit bien avec ce conseiller général qui se retrouve pris en tenaille. Evidemment qu’il faut aider à tout prix les entreprises qui peuvent créer des emplois... Seulement, certaines piquent le fric et disparaissent. Et ensuite, pour ne pas se retrouver à la rue dans une région où il n’y a pas beaucoup de chance de retrouver un emploi, pour obtenir un peu d’aumône, qui appelle-t-on au secours ? Les élus locaux encore une fois. De sorte que c’est la société, donc les contribuables qui doivent payer les pots cassés d’un système qui génère d’énormes profits pour une minorité de gens. Nous ne sommes pas armés contre ce qui arrive. C’est comme un ouragan qui menace de foutre en l’air tout l’édifice. Si ce film peut avoir une utilité, j’aimerais que ce soit celle de faire entendre un autre son de cloche, autre chose que ce bourrage de crâne quotidien qui voudrait nous faire croire que la mondialisation, le libéralisme sans limites sont une fatalité, voire qu’elles peuvent se révéler une chance à condition de “surfer sur la vague”. Il faut s’adapter, faire des sacrifices, casser quelques œufs... Très bien, regardons ce que cela produit sur le terrain. A qui cela profite-t-il ? Est-ce cela le paradis libéral ?

CE QU’EN DISENT... les anciens salariés de THOMÉ-GÉROT :

Le blog de l’association

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Marcel TRILLAT
Musique originale : Bernard LUBAT
Image : Julien TRILLAT
Son : Suzanne DURAND
Montage : Catherine DEHAUT
Production : V.L.R. Production/Jean BIGOT avec la participation de France 2
Avec le soutien de la Région Ile-de-France et de la Région Champagne-Ardenne

POUR PROLONGER LE FILM

Une fois n’est pas coutume, nous vous invitons à aller sur le site du MEDEF pour y regarder l’intégralité du débat qui a suivi la projection du film de Marcel TRILLAT au siège de l’organisation patronale, le 14 janvier 2008.

Marcel Trillat, Dominique Sénéquier (Axa Private Equity), François Saint Gilles (président du MEDEF Ardennes), Arnaud Bouyer (auteur de " Les fonds d’investissement sont-ils... des prédateurs ? ") et François Dury (ancien directeur général délégué des ateliers Thomé-Genot) sont venus échanger avec Laurence Parisot et les membres de l’assistance, nous dit le Medef.

Et pour ne pas en rester là, lisez aussi la critique du débat sur le site de Mouvements, revue d’information critique, d’enquêtes sociales et d’interpellation politique.

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